Petite lueur d’espoir pour le statut des artistes ontariens
par Alan Willaert, vice-président de l’AFM pour le Canada
Le volumineux Rapport final sur l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail (420 pages), rédigé par C. Michael Mitchel et John C. Murray pour le compte du gouvernement de l’Ontario, a été publié à la fin de mai. Comme je l’ai dit précédemment, cet examen vise à offrir un cadre pour les modifications à venir à la Loi de l’Ontario sur les normes d’emploi et à la Loi de l’Ontario sur les relations de travail. Nous, de la Fédération canadienne des musiciens (FCM), avons présenté un mémoire et des recommandations soulignant particulièrement le fait que les lois actuelles n’offrent que bien peu de protection aux musiciens, et que le seul recours dont dispose ce milieu, constitué de travailleurs autonomes pour l’essentiel, se trouve dans la loi provinciale sur le statut des artistes. C’est pourquoi nous avons inclus dans notre mémoire une comparaison détaillée des statuts de l’artiste fédéral et québécois, de même que des suggestions de contenu.
Bien que les arts et le divertissement ne soient pas au cœur de cet examen, il en est question dans le rapport à la section 11.6.3, page 410, où les auteurs indiquent que les groupes d’artistes « nous ont demandé avec insistance d’adopter en partie la philosophie et l’approche générale de la loi québécoise sur le statut de l’artiste… avec certaines modifications. » Bien que la contribution de la FCM ne soit pas mentionnée, la note en bas de page no 498 y fait clairement référence : « très tard dans le processus, nous avons reçu une ébauche de loi de la part d’un groupe, mais nous n’avons pas eu l’occasion d’en discuter et encore moins de tenir des consultations à propos de son contenu… »
Ce qui est moins encourageant, c’est que les employeurs ont travaillé fort au maintien du statu quo. Par exemple, la Canadian Media Producers’ Association a indiqué ce qui suit : « … la Canadian Media Producers Association (CMPA), qui agit dans le domaine de la production télévisuelle, cinématographique et de médias numériques anglophones, nous a mis en garde à propos des coûts élevés du système québécois, notamment en raison des négociations constantes, de l’instabilité et de la concurrence dans les relations industrielles, et de l’incertitude qui y règne, ce qui est contraire aux besoins d’une industrie axée sur les projets et sensible au temps. … En général, la CMPA soutient que le secteur est déjà très syndiqué, et ce, avec des syndicats de métiers comme industriels, qu’il sert adéquatement les besoins des différents groupes d’intérêt, et qu’il ne faudrait donc pas s’y immiscer. »
Soulignons que, plus loin, on semble ignorer la CMPA, la section se terminant sur la recommandation suivante : « … que l’Ontario mène une enquête et consulte tous les groupes intéressés et touchés afin d’envisager des changements législatifs pour modifier la façon dont les services et le travail des individus sont fournis dans les secteurs de l’art et du divertissement afin d’encourager les visées artistiques de ces secteurs et de ceux qui y travaillent. » C’est bien peu dans un si gros document, mais ces quelques mots constituent la reconnaissance la plus significative à ce jour du dilemme que présente la négociation collective pour les artistes. En ce sens, ils donnent une lueur d’espoir.
L’avocat général de la FCM, Alan Minsky, a généreusement résumé les autres aspects du rapport. Les modifications proposées incluent :
1) La hausse du salaire minimum général à 15 $ l’heure d’ici le 1er janvier 2019;
2) L’ajustement de plusieurs modalités relatives à l’accréditation syndicale et au processus d’arbitrage d’une première convention collective, y compris:
l’extension de l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion à l’industrie des agences de placement temporaire, au secteur des services de construction et à l’industrie des soins à domicile et des services communautaires là où un syndicat peut démontrer qu’il a l’appui de 55 % de l’unité de négociation proposée
l’accès des syndicats aux listes des employés et à leurs coordonnées si le syndicat peut démontrer qu’il a l’appui de 20 % de l’unité de négociation proposée;
la facilitation de l’accès à l’accréditation corrective et à l’arbitrage d’une première convention collective, des pouvoirs accrus pour la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) pour lui permettre de garantir que les votes soient tenus dans des conditions équitables, et la possibilité d’utiliser le vote par téléphone ou par voie électronique;
la protection contre les congédiements sans motif valable, de l’accréditation jusqu’à l’entrée en vigueur de la première convention collective.
3) D’importantes modifications à la réglementation régissant les syndicats, y compris :
l’ajout des droits du successeur pour les contrats relatifs aux services de construction;
l’habilitation de la CRTO à consolider les unités de négociation;
le renforcement des protections pour les travailleurs en grève y compris celle contre les congédiements sans motif valable faisant l’objet d’un grief et la priorité à la réembauche même là où une grève a duré plus de six mois;
la hausse des pénalités pour les infractions à la Loi sur les relations de travail;
l’examen des exemptions de la Loi sur les relations de travail (aucun changement immédiat n’est prévu à la loi);
4) L’amélioration des normes minimales d’emploi, y compris :
le paiement de trois semaines de vacances pour les employés ayant cinq ans d’ancienneté ou plus;
des modifications visant à simplifier le calcul du paiement des congés fériés et à clarifier la façon de calculer le temps supplémentaire d’un employé qui occupe plusieurs postes chez un même employeur;
un salaire égal pour les travailleurs à temps partiel, occasionnels, temporaires et saisonniers par rapport aux employés à temps plein effectuant le même travail, et pour les employés issus des agences de placement temporaire par rapport aux employés permanents, avec quelques exceptions;
des améliorations au congé d’urgence personnelle et aux autres dispositions relatives aux congés;
de nouvelles protections pour les travailleurs en matière d’horaires;
plusieurs modifications aux exemptions prévues à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et un processus d’examen pour les autres exemptions.
5) Des mesures visant une meilleure mise en force des normes d’emploi, y compris la lutte à la classification erronée des employés comme travailleurs autonomes.
C’est maintenant que commence le travail visant à doter les sections locales de l’Ontario d’un scénario qui les aidera à s’adresser à leur député provincial et à bien profiter de cette petite occasion d’ajouter la négociation collective obligatoire à la boîte d’outils de la FCM.