À venir sous peu: un système de droit d’auteur fondé sur la technologie de chaînes de blocs
par Alan Willaert, vice-président de l’AFM pour le Canada
Trois des plus importants collectifs de droits d’auteur au monde, soit l’ASCAP aux États-Unis, la SACEM en France et PRS for Music au Royaume-Uni, travaillent ensemble à un projet d’amélioration de la gestion des droits d’auteur dans le domaine musical. Selon un article paru dans Music Business Weekly, les trois partenaires ont annoncé la création d’un système sur plateforme Blockchain pour assurer la gestion des liens entre les codes d’enregistrements musicaux ISRC (Inter- national Standard Recording Codes) et les codes d’œuvres musicales ISWC (International Standard Work Codes). Blockchain est une plateforme logicielle qui fournit un protocole de gestion des ressources numériques. Vous pouvez visiter le site Web de l’entreprise au www.blockchain.com.
Dans un communiqué publié récemment, l’ASCAP explique que l’établissement de liens robustes entre ces deux répertoires de don- nées (ISRC et ISWC) constitue une solution pratique qui présente un potentiel immense pour améliorer les méthodes d’identification des titulaires de droits d’auteur et accélérer l’attribution de licences, réduire les erreurs et diminuer les coûts. Le projet vise à fournir à l’industrie de la musique un prototype pour la création et l’utilisation d’un répertoire décen- tralisé de métadonnées sur les œuvres musicales, avec mises à jour et suivi en temps réel.
De concert avec IBM, les trois partenaires envisagent d’exploiter la plateforme ouverte de développement de chaînes de blocs Hyper- ledger de la fondation Linux pour établir des correspondances entre les codes ISRC et ISWC, les regrouper et les identifier afin de confirmer l’identité des titulaires des droits d’auteur et déceler les conflits. La technologie de chaînes de blocs, utilisée dans les systèmes de paie- ment, se démarque par sa capacité de gestion des données sans gouvernance centralisée. Il s’agit d’une caractéristique utile qui permettra de régler les conflits d’identificateurs pour une même œuvre entre différents titulaires de droits d’auteur.
Jean-Noël Tronc, directeur général-gérant de la SACEM, a pour vision « d’assurer à la musique un avenir diversifié et pérenne dans lequel les créateurs sont adéquatement rémunérés pour leurs œuvres. Grâce à ce partenariat, nous souhaitons concevoir de nouvelles méthodes fondées sur les chaînes de blocs pour résoudre un problème de longue date qui touche les métadonnées de l’industrie de la musique. Un problème qui est devenu encore plus criant avec la décentralisation des droits de diffusion de la musique en ligne causée par la popularité croissante des canaux numériques. En dévelop- pant cette nouvelle technologie en partenariat avec l’ASCAP et PRS for Music, nous servirons mieux les intérêts des créateurs d’œuvres musi- cales de partout dans le monde », a-t-il ajouté.
Elizabeth Matthews, présidente-directrice générale de l’ASCAP, a souligné que l’industrie de la musique « réclame plus de transparence et d’exactitude ». La plateforme Blockchain permet de saisir des données et des mises à jour sur les transactions en temps réel et de diffuser l’information à de multiples parties. Les coûts d’administration diminueront à mesure que les données s’amélioreront, ce qui permettra de verser un pourcentage plus élevé aux titulaires de droits d’auteur.
Robert Ashcroft, directeur général de PRS for Music, a affirmé : « Établir des données fiables sur le droit d’auteur est un objectif de longue date de PRS for Music et un des plus grands défis de l’industrie. » Le marché de la musique en ligne a besoin de rapports en temps réel en provenance de multiples acteurs répartis dans le monde pour être en mesure d’améliorer l’exactitude des redevances et de verser aux titulaires de droits d’auteur les redevances qui leur reviennent.
Si vous avez du mal à saisir, tentez d’imagi- ner combien de fois une chanson est utilisée quelque part dans le monde, au cours d’une même année. Un jeune en Australie peut décider d’utiliser la chanson dans une vidéo amateur qu’il vient de réaliser, et publier cette vidéo. Un directeur musical en Californie peut choisir de l’intégrer dans un film. La chanson peut être écoutée des millions de fois sur les sites de diffusion en continu. Dans chacun de ces exemples, les titulaires de droits d’au- teur devraient toucher des redevances. Sans système de suivi électronique, c’est mission impossible.
Pourtant, la technologie pour surveiller et suivre chaque utilisation existe. Elle est fondée sur les algorithmes. Et grâce aux protocoles de chaînes de blocs, il est désormais possible de centraliser et de relier ces données, puis d’identifier instantanément les titulaires de droits d’auteur pour leur verser les redevances à l’aide d’une méthodologie dérivée.
Nous savions depuis longtemps que l’avè- nement d’Internet sonnerait le glas du droit d’auteur tel qu’on le connaît. Il semble que, enfin, le système pourra rattraper son retard et assurer une rémunération adéquate pour ce qui était auparavant une utilisation illégale. Il est cependant malheureux de constater que la technologie existe depuis un certain temps déjà, mais que la volonté d’agir n’y était pas. Il semblerait que nous ayons franchi cet obstacle, et que les musiciens de partout dans le monde en bénéficieront.