Décision catastrophique des tribunaux allemands
par Alan Willaert, vice-président du Canada, FAM
Une décision a été rendue dans la poursuite pour violation de droit d’auteur lancée il y a 19 ans contre Sabrina Setlur par le groupe Kraftwerk, pionnier de la musique électronique. Et le résultat n’a rien de réjouissant pour le milieu de la création. Dans un premier temps, Ralf Huetter, de Kraftwerk, avait obtenu une injonction interdisant la diffusion de la chanson Nur mir que Setlur a lancée en 1997 par ce qu’elle contenait une séquence de percussions copiée du morceau Metall auf Metall, une création de Kraftwerk datant de 1977.
Dans la nouvelle décision, la cour estime que l’échantillonnage était un fondement de la musique hip-hop et a même aidé à la créer; et que si l’effet de l’échantillon est négligeable pour le détenteur des droits, la liberté artistique devrait primer. La cour constitutionnelle allemande juge que l’échantillonnage est un élément constitutif du style hip-hop et a donc renversé la décision de la première cour qui s’était prononcée en faveur de Kraftwerk.
De plus, note la cour, l’imposition de redevances aux compositeurs pourrait avoir un effet paralysant si les détenteurs de droits peuvent demander la somme qui leur plaît ou simplement rejeter la demande de l’utilisateur. La cour soutient que les compositeurs doivent pouvoir créer sans courir de risques financiers et sans restrictions à leur processus de création. En conséquence, l’échantillonnage serait permis s’il fait partie d’une œuvre nouvelle qui n’entre pas en concurrence directe avec l’œuvre échantillonnée et ne porte pas atteinte financièrement au détenteur des droits.
La décision, qui crée un dangereux précédent pour les détenteurs de droits d’auteur dans le monde entier, abâtardit le test en trois étapes de la Convention de Berne. Adopté en 1967, ce test prévoit qu’un pays signataire peut permettre une exception aux règles régissant la reproduction seulement 1) dans certains cas particuliers, à condition que 2) cette reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre 3) ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. On ne peut certainement pas affirmer que l’utilisation généralisée de l’échantillonnage constitue un « cas particulier ». Pour ma part, je suis en désaccord avec la décision de la cour allemande.
Le test en trois étapes de la Convention de Berne est une référence qu’on retrouve un peu partout dans d’autres ententes internationales telles que l’Accord sur les aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), l’article 10 du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur (WCT), le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, le paragraphe 6(3) de la directive du Conseil européen (CE) sur la protection juridique des programmes, le paragraphe 6(3) de la directive du CE sur la protection des bases de données et le paragraphe 5(5)) la directive du CE sur le droit d’auteur. On utilise ce test pour déterminer les exceptions relatives aux enregistrements audiovisuels ainsi qu’aux œuvres littéraires.
Le point sur les négociations avec la SRC
Pendant la dernière ronde de négociations, l’équipe de négociation de la Fédération canadienne des musiciens (FCM) et les négociateurs de la Société Radio-Canada (SRC) ont convenu de suspendre leurs travaux et de prolonger l’entente actuelle pour une période de six mois. En effet, tous s’entendaient pour dire qu’avant de pouvoir bien structurer le texte et les tarifs d’une nouvelle entente il fallait faire encore beaucoup de recherche pour bien déterminer la direction et le volume de la production que la SRC planifiera pour le futur.
De plus, à la CFM, nous pensons que ce délai permettra l’arrivée d’une partie des 850 millions de dollars promis par les libéraux, ce qui transformera dramatiquement la vision de la SRC quant à son rôle de fournisseur de contenu et lui permettra de mieux assumer son mandat de radiodiffuseur national. Dossier à suivre.